Journal d’Avril : écrire une nouvelle page

30 mai

Fin du déjeuner chez le père d’Elias. Le retour à l’appartement fut d’un silence de marbre, ce qui n’a pas aidé à la digestion des paupiettes de veau qui me laissaient un goût amer sur la langue. Je sais maintenant d’où Elias tient ses capacités culinaires.

Il s’est montré tout particulièrement affectueux une fois installé sur le canapé, redessinant mes courbes du bout des doigts et traçant des cercles autour de mon nombril comme pour communiquer avec ce qui deviendra notre bébé. Une nouvelle de ses facettes, j’ai l’impression de découvrir à chaque fois un nouvel Elias, une nouvelle pièce de son puzzle mais je pense que je commence à m’y faire. Il a été le premier à partir se coucher après avoir déposé un baiser sur mon front étrangement glacial. Je n’arrive plus à le comprendre. Pourquoi a-t-il l’air d’être heureux puis d’un coup au bord du gouffre, intouchable?

Je repense à la discussion que j’ai eue avec le père d’Elias. Je comprends un peu mieux pourquoi c’est un personnage si bancal, il a perdu son frère, Ann, âgé seulement de 12 ans dans un incendie. Depuis, des images passent et repassent dans ma tête, Elias à genoux devant cette maison en feu, les flammes vacillantes faisant crépiter et chuter le bois. Se sentir impuissant alors que l’être aimé est tout près. Le père d’Elias avait qualifié les flammes de vie en trop, d’ultra-vie si mes souvenirs sont bons. Je n’ai pas tout compris, ce serait une énergie à canaliser pour mieux manipuler les ondes, tout ça c’est trop compliqué, je n’ai pas envie de m’attarder dessus. Apparemment les voisins se méfient beaucoup de leur famille, j’en aurais peut être fait autant si j’avais rencontré Elias dans d’autres circonstances.

Il y a également cette histoire de chevreuil ou je ne sais quoi qui me tourmente un peu. Le chevreuil est censé être Elias, dévalant les forêts. Si près, mais pourtant si loin, se camoufflant derrière les chênes et les saules pleureurs, encore une fois, intouchable. Je l’aurais plutôt associé à un faon, peut-être à cause de sa fragilité et cette impression qu’il est toujours sur le point de se briser, il n’a donc toujours pas guéri de cette blessure qu’a laissée la perte de son frère. Le père d’Elias avait sûrement raison Il y a des brûlures dans l’esprit qui ne partiront sans doute pas.

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